Le Serment

En premier lieu, le mot serment vient du latin sacramentum, provenant de sacrare dont la traduction transparente signifie « rendre sacré ». Et par évidence lorsque nous prêtons serment nous nous relions au Sacré et donc au Divin.

Cet grâce au serment maçonnique que le profane devient enfin initié Franc-Maçon. La promesse solennelle est alors faite sous l’obscurité du bandeau, symbolisant la nuit et les ténèbres. Le serment devient alors la lumière qui nous appelle et nous guidera tel un phare nous montrant le chemin. Puis nous sommes à genoux au bas de l’Orient impliquant dès lors le plan physique et symbole d’humilité. Ensuite, l’impétrant tient une lame dans sa main gauche pointée sur son cœur, impliquant ici le plan de l’âme et rappelant la sanction qu’il encoure en cas de trahison à sa promesse. Et enfin sa main droite est posée sur l’Equerre le Compas et le Livre Sacré (livre des morts égyptien dans notre Rite), marques de l’équité, de la justice, et de la droiture. Et avec eux il se relie également au plan spirituel. L’impétrant engage alors tous les états de son être lors de cette prestation. Il prend alors acte avec l’invisible.

Au début du serment, nous faisons appelle au Grand Architecte de l’Univers, cette puissance supérieure et inconnue qui nous guide au travers des plans parfaits de sa sagesse. Dès lors, nous nous connectons au Sacré, et cette promesse engage celui qui la prononce sur des plans hors du temps et de l’espace. A cet instant, nous faisons donc appel à la partie de divin qui se trouve en nous et dont nous commencerons la recherche une fois initié et tout au long de notre route maçonnique.

Par la suite, l’impétrant promet et jure « sur son honneur d’Homme libre ». Cette phrase pourtant si vite dite se retrouve bien plus lourde de sens. En effet, que ce soit lors des enquêtes ou lors de l’initiation, il est demandé à plusieurs reprises au profane s’il est libre et consentant pour poursuivre. La Liberté sous-entend que la personne vient par elle-même à s’engager sur la Voie Maçonnique, et qu’elle n’est soumise à aucune pression, entrave ou préjugé. Cependant nos vies profanes nous imposent parfois des limites, des obligations à respecter. Or le chemin initiatique nous pousse à nous interroger sur ses barrières et entraves que nous rencontrons autour de nous dans notre vie quotidienne.

En poursuivant son serment, l’impétrant vient à promettre de ne jamais révéler les secrets de la Franc-maçonnerie. Certes la Franc-Maçonnerie est une société « secrète » au fondement de sa création, mais elle a peu à peu dérivée vers le statut de société « discrète ». Alors qu’entendons-nous par secrets ? Les secrets que nous devons garder en nous sont tout d’abord notre rituel, les textes sacrés qui y sont présents, ainsi que les légendes maçonniques qui le compose. Il est notre premier outil de travail et de référence, et c’est pour cela qu’il doit nous correspondre un maximum, peut-être pas surtout car l’interprétation de celui-ci est différente pour chacun d’entre nous, mais il doit en globalité correspondre à nos valeurs fondamentales les plus profondes.

Comme autre secret nous avons celui des travaux réalisés en Loge, dont nous scellons le contenu sous la Loi du Silence à chaque fermeture des travaux. Et puis, nous devons également restés secrets en ce qui concerne l’appartenance de SS.*. ou de FF.*. s’ils ne veulent pas être dévoilés. Et le dernier secret qui gagne sa grande importance est celui des découvertes personnelles et émotionnelles. En effet, nous venons en Loge dans le but de travailler sur nous-mêmes et pour cela nous devons nous mettre « à nu » de choses dont on ne parlerait peut-être pas dans le monde profane car cela nous affecte que trop. Ces moments de partage et d’ouverture correspondent parfois à ce que l’on peut appeler « faiblesses » dans le jargon profane, et c’est pour cette raison que nous devons respecter ces confidences à cœur ouvert.

Toute révélation des mystères et secrets entraîne le fautif à avoir la gorge tranchée, symbole du signe d’ordre de l’Apprenti qui est exécuté un grand nombre de fois pendant les travaux. De plus, sachant que le serment relève du sacré puisqu’il est donné par le « moi » relié au divin, l’auteur du sacrilège se voit alors parjure et déshonoré, ainsi que son nom transcrit à la Colonne d’Infamie. Les châtiments infligés à l’homme dépendent de la force du serment, de l’idéal que prête l’homme dans celui-ci. Il ne peut se trahir sans tomber dans le chaos. Par conséquent, les mauvais actes ou les mauvaises paroles d’un Maçon le rattrapent toujours, quelques soient les moyens détournés pour éviter l’addition, il finit tôt ou tard par passer à la caisse, car on ne peut fuir ses démons. Si on les fuit toute notre vie, la Mort se chargera du Jugement dernier et de la pesée de notre âme. C’est pourquoi nous devons agir en notre âme et conscience, car nous avons le jour de notre Initiation proféré ce serment dans ce même état qui nous lie à l’invisible.

Respecter cette promesse correspond au premier devoir du Maçon. En effet, en choisissant la voie initiatique maçonnique nous devenons des Hommes et Femmes de Devoir. Ces devoirs se divisent en deux catégories : les devoirs envers l’Humanité et les autres, et les devoirs envers nous-mêmes. La première catégorie implique tout d’abord le devoir de considérer chaque maçon comme un frère ou une sœur, et par conséquent de leur venir en aide, de les protéger et de les aider et cela dans le domaine du possible. Ensuite, nous francs-maçons avons le devoir d’appliquer en dehors du Temple ce que nous y apprenons en son sein. Le serment stipule « je m’efforcerai de donner l’exemple de toutes les vertus […] dans le seul but d’inspirer à tous le désir de les acquérir ». Nous ne venons pas juste parler de belles idées et valeurs, nous devons également les appliquer dans le monde profane pour rendre ce monde meilleur à notre façon et à notre échelle.

 Dans la seconde catégorie, les devoirs envers nous-mêmes sont très différents, car en premier lieu c’est un choix que de rentrer en Franc-Maçonnerie. Or, il faut se demander si au fond ce choix est bon pour nous, s’il nous correspond réellement. Car comme dit précédemment, on parle de valeurs et d’idéaux mais c’est dans ses actions que l’on se rend compte de la qualité d’un franc-maçon. Certes ce n’est pas toujours facile et évident, mais l’effort et le travail viennent toujours à payer. Et puis, quand on rentre en maçonnerie, on doit s’interroger aussi sur notre volonté et notre capacité à évoluer, car elles seront mises à rudes épreuves plus d’une fois au cours de notre parcours. Cependant, la Franc-maçonnerie en elle-même fait sa sélection « naturelle », le flux et le reflux de son énergie teste à chaque instant en Loge notre ténacité à vouloir nous améliorer.

Après avoir pris acte de cet engagement, le profane reçoit alors la Lumière lorsque son parrain ou sa marraine lui ôte le bandeau. Cependant dans le Rite de Misraïm, rite qui m’a vu naître, le parrain ou la marraine prêtait serment envers son ou sa filleule. Là encore chaque mot avait son importance et sa résonnance. Puis à ce même moment, le nouvel apprenti obtient également la reconnaissance de ses FF.*. et SS.*.

Enfin pour concrétiser profondément ce serment, le cérémonial de rigueur veut que le serment, qui a été signé par le sang du récipiendaire lors du 3ème voyage de son initiation, et le testament philosophique soient projetés par le Feu. A ce moment précis, le Vénérable Maître proclame alors que « La parole humaine s’altère et s’efface, mais ce qui est confié au Feu perdure indéfini­ment. ». Dès lors, ces deux écrits sont envoyés à l’invisible et ne pourront plus être affligés de la réalité profane. Ils s’inscrivent dans les plans du Grand Architecte et cela à jamais.

C’est pour toutes ces raisons que l’engagement maçonnique ne se prend pas à la légère, qu’il doit être mûri et réfléchi. La recherche de la Lumière dans nos vies peut mener à différents sentiers, que nous sommes libres d’entreprendre ou non. De plus, cet acte volontaire comprend bien plus de devoirs que de droits. Et pourtant « Il n’y a que le premier pas qui coûte mais vous ignorez encore ce qu’il coûte. » Il est vrai qu’à ce moment-là de notre initiation nous ne savons pas encore quel sera le prix à payer pour ce passage vers la Lumière.

En effet, la Franc-Maçonnerie demandera parfois des concessions, des efforts, et quelques fois même des sacrifices. Mais vous ne récolterez d’elle que ce que vous aurez semé, car cette voie initiatique n’est qu’un terreau capable d’enrichir chaque morceau de terre intérieure, notre terre noire appelée Kémet en Egypte et Kemia par les alchimistes. Cette petite parcelle cachée au fond de nous-même est capable de recevoir toutes les graines possibles, mais seulement nous ne devons pas oublier que lors d’une récolte toutes les graines ne germent pas, d’autres encore demanderont plus de temps, ou alors plus de Lumière. Et parfois nous ne serons pas en capacité de voir certaines d’entre elles prendre vie, car certaines graines doivent passer par le feu pour germer (comme le séquoia par exemple) ou perdurer dans le temps (comme c’est le cas de l’Acacia). Mais encore, n’y-a-t-il pas de terres plus fertiles que celles qui ont subi l’écoulement de la lave d’un volcan ?

En conclusion, que ce soit le serment maçonnique, le serment de parrainage, ou encore le serment du mariage, le mot « serment » dans n’importe quel domaine qu’il soit s’associe à « engagement », et cela devant des institutions de valeur mais aussi devant le Sacré et le Divin. Mais surtout, cet engagement est avant tout envers vous-même, de tendre à chaque instant de votre vie à devenir une meilleure personne grâce à des idéaux clés qui sont les bases de votre Temple. Si vous échouez envers un de vos serments, c’est envers vous-même que vous échouez en premier lieu.

Alors malgré les difficultés que vous rencontrerez, n’oubliez jamais les paroles que vous avez prononcées et liées à l’invisible, car elles vous poursuivront où que vous alliez, aucun coin ne saura vous cacher d’elles.

Armez-vous de courage et de volonté et n’ayez pas peur de semer des graines. Votre jardin fleurira en temps et en heure tant que votre Cœur reste à l’ouvrage

B.˙. B.˙. 01/2018