La Perpendiculaire

La perpendiculaire est liée à la perpendicularité, qui provient du latin per-pendiculum qui signifie fil à plomb. Elle est l‘outil essentiel et directeur de l’apprenti. Celle-ci se compose d’un fil à plomb pendu au milieu d’un arceau. Le fil à plomb est une corde où un fil, au bout duquel pend un plomb tronconique ou en forme de toupie. Ce plomb permet d’indiquer, de part son poids, la direction de la pesanteur et de tracer la verticale, pour mettre d’aplomb notre pierre. Cependant, on retrouve cet élément dans le niveau, qui est aussi un outil fondamental, et celui-ci est pendu au milieu d’une équerre.

La perpendiculaire fait partie d’un triptyque d’outils essentiels au maçon pour suivre la voie de la réalisation et de la rectitude. Il faut surtout noter que la perpendiculaire correspond aussi à l’un des trois bijoux immobiles de la loge, et elle symbolise le niveau spirituel de cette dernière. Elle est reliée au second surveillant et permet à celui-ci de veiller à la bonne amélioration des apprentis, mais aussi de vérifier qu’ils aillent au plus profond d’eux-mêmes, de leurs pensées, et de leur âme. Ce travail de recherche intérieure débute dans le cabinet de réflexion avec le V.I.T.R.I.O.L, qui se traduit par visite ton intérieur et en te rectifiant, tu trouveras la pierre cachée des sages qui dort en chacun de nous, joyau d’un cœur pur à la recherche de la Vérité. La perpendiculaire continue ce travail de descente en soi-même, et elle agit sur l’équilibre de l’apprenti. Son action s’étend du zénith au nadir, qui symbolise sur l’échelle spirituelle, de la terre jusqu’au ciel, et donne accès à la découverte de la Connaissance. Cet outil indique l’axe à suivre pour la juste construction de notre œuvre, en cherchant autant la verticale ascendante que descendante.

Dans la loge, le travail de la perpendiculaire se voit par notre tenue corporelle, car nous devons avoir la colonne vertébrale droite, que se soit debout à l’ordre ou assis. De ce fait, nous avons de l’aplomb et nous pouvons parler sans crainte, sauf les apprentis qui sont réduits au silence, mais il ne faut pas pour autant « surplomber » ces interlocuteurs avec orgueil.

Le catéchisme de l’apprenti nous apprend que les signes du maçon se font par l’équerre le niveau et la perpendiculaire. En effet, l’équerre symbolise la justesse et l’équité, le niveau permet de veiller au nivellement des inégalités arbitraires, puis la perpendiculaire représente le fait d’élever sans cesse le niveau spirituel. Ces trois outils  forment le triangle directeur de la loge en la personne du Vénérable Maître, ainsi que le premier et le second surveillant.

La plupart du temps, le niveau est associé à la perpendiculaire car ils se complètent dans le fait que le premier vérifie la position horizontale de la pierre, tandis que le second vérifie la superposition verticale de chacune des pierres et permet ainsi la juste construction de l’édifice.

La perpendiculaire étant le symbole de la voie à suivre, ainsi que de la recherche intérieure, plusieurs grands noms avaient déjà les yeux ouverts sur ce travail sur soi-même. Tout d’abord, dans l’un des livres les plus connus au monde, le Coran, il y est écrit dans l’une des sourates d’ouvertures que la voie juste et droite correspond au « sirât al-mûstaquîm », traduction du sentier de la rectitude et de la profondeur en nous-mêmes.

Puis, Hermès Trismégiste relate dans la table d’émeraude que « tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Nous retrouvons cette phrase dans notre rituel, et elle peut être tournée sous plusieurs sens. On peut y comprendre que nous sommes extérieurement le reflet de ce que nous sommes à l’intérieur, mais encore, on peut y lire que nos actes correspondent à notre nature profonde, ou tout simplement que nous pouvons aller aussihaut que  profondément en nous. On retrouve également le signe de l’approfondissement dans l’un des symboles que nous connaissons le plus : le sceau de Salomon. Il est formé de deux triangles, dont l’un pointe vers le haut et l’autre pointe vers le bas, et signifie donc que l’on peut s’étendre autant vers nos cieux que vers nos ténèbres. Il exprime aussi la double circulation des énergies entre le divin et l’humain.

Par la suite, Socrate, 400 ans avant Jésus-Christ, nous donnait la formule du « Connais-toi toi même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux ». Ensuite, René Guénon, écrivain un peu plus récent, nous expliquait que « la ligne verticale représente ce qui unit entre eux tout les états d’un être, ou tous les degrés de l’existence, tandis que l’horizontale représente le développement d’un de ces états ou de ces degrés ».

Il reste une allégorie importante qui n’a pas été évoqué, car la perpendiculaire symbolisant l’outil majeur de l’apprenti, elle est donc liée au chiffre trois. Curieuse coïncidence n’existe pas, car en effet, la profondeur du tombeau du Maître Hiram correspond à ce trois. Architecte du temple du Roi Salomon, il nous prouve que déjà à leur époque, ils avaient conscience du savoir faire pour être sur le chemin de la Vérité.

Le passage de la perpendiculaire au niveau nécessite un travail de transformation et de transmutation qui a commencé dans le cabinet de réflexion, et que nous devons continuer en tant qu’apprenti dans le maintient de notre attitude en loge et en son extérieure. Nous devons nous efforcer d’éliminer toutes les choses profanes qui nous encombrent pour que l’on puisse se remplir d’expériences et de savoir.

Après notre introspection, il faut partir du point que nous avons trouvé en nous-mêmes pour s’élancer vers l’horizontale et se diriger vers les degrés de la Connaissance, guidé par notre étoile. L’apprenti, après avoir creusé au plus profond de lui-même, arrive en réalité au centre de la croix, et il ne dépend que de lui de la dessiner selon son évolution. Cet enseignement nous permet de réaliser que pour passer de la perpendiculaire au niveau, il n’y a qu’un pas, un pas qui permet de découvrir sous un nouvel angle le chantier de notre vie.

Cette planche se terminera par quelques vers, forts agréables, qu’un frère a partagé sur la toile, et qui nous résume avec délicatesse et poésie la symbolique de la perpendiculaire.

« Au bout de l’Univers,  je cherche un point vernal
Pour accrocher mon fil en perpendiculaire.
Araignée de Saint-Jean, au solstice hivernal,
Je tisse sur Jakin mon Étoile solaire.

Si tu lèves les yeux vers la Voute Étoilée
Tu verras penduler ce fil à plomb, mon Frère.
Et s’il n’existe pas, tu peux l’imaginer
T’indiquer la voie de l’intérieur de la Terre.

Il révèle ce fond que tu ne veux pas voir,
Où tes vices cachés et tes tares se terrent.
Il fouille tes péchés, tes défauts les plus noirs
Pour libérer l’esprit du joug de la matière.
Mais il te montre aussi cette Pierre taillée
Qu’en secret, V.I.T.R.I.OL. cache sous les Mystères.
Si tu trouves le fil de ta vie dépouillé,
Tu pourras, sans faillir, regarder la Lumière.

Car ce fil, descendu du plus profond des cieux
Pour justifier l’aplomb à l’angle de ta Pierre,
Signifie : la Connaissance est un bien précieux
Qui t’élève et fait de ton cœur un sanctuaire. »

B.˙. B.˙. 11/2010