V.*. M.*. et vous tous, mes frères et sœurs, en vos degrés et qualités.
La grenade est à l’origine un fruit de forme arrondi, dont l’écorce, dure et coriace, et se termine par une couronne qui pointe vers le haut. On peut voir aussi que l’écorce de la grenade représente un vase, et dans les propos de Denys l’Aréopagite, celui-ci soutenait que la sagesse formait un vase dans lequel on y verser un saint breuvage, et qu’elle appelait à grands cris ceux qui avaient besoin d’elle. Cette écorce protège une multitude de grains remplis d’une pulpe rouge rubis et transparente. La grenade, aussi appelée pomme-grenade (détail important dont je vous parlerai en profondeur un peu plus tard) ou la pomme à grains, vient du latin granatus qui signifie abondant en grain. Cette grenade était originaire de la Perse, désormais l’Iran, et elle fut le fruit le plus abondant dans les jardins suspendus de Babylone.
On la retrouve beaucoup dans l’histoire, notamment sur des mosaïques byzantines en Libye où l’on voit un arbre de vie au-dessus de deux paons et la grenade y est représentée. Mais encore, dans la mythologie grecque, Zeus envoya Perséphone aux enfers pour avoir goutté sept grains de la grenade que lui présenta Hadès, ne voyons nous pas ici la scène de la tentation à peu près semblable à celle de la Bible ? De ce fait, après avoir goutté à la « tentation », les saisons apparurent, et ainsi la vie régnait quand Proserpine, de son nom romain, était sur terre, et la mort lui succédait lors de sa descente aux enfers, pendant six mois de l’année, l’automne et l’hiver. Il faut savoir que c’est que quand Perséphone était aux enfers, pendant l’hiver donc, que la grenade attendait la lumière du soleil pour éclater de plus belle au printemps, en même temps que la vie. Ce mythe est lié au culte des mystères d’Eleusine, dont les prêtres portaient des vêtements décorés avec des branches de grenadier.
J’ai précédemment parlé de tentation, mais dans la bible, ne parlerait-on pas du fruit, mais celui-ci fut présenté par le serpent à Eve, puis à Adam, et c’est elle qui lui fit goutter le fruit défendu. Mais sommes-nous sûre que c’était une pomme ? Il se pourrait bien que dans le jardin d’Eden, le fruit défendu, étant sauvage, pourrait être en réalité une pomme grenade. Le grain de grenade étant une nourriture dangereuse, d’un côté, il faut pouvoir maitriser son feu pour bénéficier de ses bienfaits, qui ont sont la non régénération et l’immortalité à la fois; de l’autre, celui qui ne maitrisera point ce feu laissera celui-ci devenir destructeur et stérile. Le fruit défendu, ou bien celui de la connaissance si on y réfléchi bien , qui dans les deux mythes est responsable de la chute et de la déchéance de l’homme, ou bien pour nous, le retour a l’Adam Kadmon autrement dit le maître châtié, il se pourrait qu’il est été question d‘une grenade, la cause de son expulsion du paradis ou de la terre des dieux, et qui amena les périodes de productions au printemps et en été, et une nature qui devient après inclémente, ne produisant plus aucune nourriture.
Mais la grenade, fusse-t-elle le fruit du péché, est lié étrangement au symbole vaginal, autrement appelée « la vulva ». Elle a été, dès le début considéré comme le symbole de la prospérité et de la fertilité, et ce dans le monde entier. Elle fut le fruit de la maternité en Afrique ; en Inde, on boit son jus lorsque la fertilité pointe son nez ; en Grèce et en Turquie, on jetait une grenade pour savoir le nombre d’enfant qui allait naître de la fraiche union en comptant les grains sortis de la grenade quand elle explosait ; à Rome, les mariés avaient des feuilles de grenadier dans les cheveux ; en Chine, la grenade était le symbole de la prospérité, au Vietnam, on parle du fruit qui a fait naitre une centaine d‘enfants, et ce sont les Maures qui apportèrent la grenade en Espagne, qui est bien évidement le nom d’une ville.
Et ce tour du monde nous emmène en Egypte, où nous retrouvons des grenades sur les bas-reliefs du temple de Karnak. Mais encore, on trouve sur la tombe de Toutankhamon, des grenades en électrum, un alliage naturel de trois part d’or et d’une part d’argent, et il y en avait dans la tombe de Ramsès VI. À l’intérieur du temple de Salomon, l’architecte Hiram de Tyr a décoré de 200 grenades les chapiteaux des deux colonnes J&B, placées à l’extérieur du temple, qui étaient coulées dans le bronze, et qui étaient creuses. En résumé, les grenades résident sur les chapiteaux des colonnes, mais selon le rite pratiqué, on voit que plus tard, ces grenades viendront formées ce qu’on appelle les deux sphères sur les colonnes respectives, celles-ci symbolisant le microcosme (petit univers) qui est à l’image du macrocosme (grand univers). Elles pourront aussi être la sphère terrestre et la sphère céleste.
Dans certains rites égyptiens funèbres, la grenade et ses graines étaient mis à côté du défunt, pour lui promettre la vie éternelle, et pour l’accompagner dans le voyage vers l’autre monde, au-delà du voile d’Isis. On se rapproche encore du cycle de la vie vers la mort et de la mort vers la vie. Le cycle de la nature qui nous emporte vers la renaissance, mais pour mourir, il faut déjà naître. Mais faut-il naître pour mourir ou mourir pour naître ?
Et c’est dans le cabinet de réflexion que commence notre germination, autrement dit le retour à la terre, le début de notre vie initiatique. La grenade a la faculté de faire descendre les âmes dans la chair, autrement dit d’animer la création, on en vient donc à la fécondation de la matière par l’esprit. Et l’initié devient le résultat tangible d’une telle fécondation lors de son initiation, et quand celui-ci est placé entre les colonnes. On retrouve donc l’importance la symbolisation du voyage d’initiation, rappelé dans le rite de descente dans les profondeurs de la terre, d’où le V.I.T.R.I.O.L, « Visita Interiora Terrae Rectifcando Invenies Occutum Lapidem », autrement dit « descends dans les entrailles de la terre, au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau ». En parlant donc de naissance, les grains de grenades sont eux aussi à prendre en compte, car ils ont la particularité de symboliser les larmes de sang du dieu, on retrouve ce symbole d’ailleurs dans les ateliers supérieurs, et selon la conception antique, le sang est considéré comme une semence particulièrement féconde, car il est protecteur du principe de vie.
Après sa création, lorsque la grenade mûrit, elle éclate en dehors de sa coque, et les grains qu’elle contenait sont projetés aux alentours. Ceci est la représentation de la transmission des richesses de l’esprit à celles et ceux qui passent entre les colonnes. Toute leur pensée et leur être sont alors fécondés par le feu de la Tradition, cela donnant alors la capacité de « voir» ce qui d’ordinaire, resté celé aux yeux humains. Ce qui nous permet de constater que la coque dure, qui renferme ensuite ces grains fermes et généreux, de la grenade n’est autre que la protection de la Franc-maçonnerie au regard profane, ainsi que l’hermétisme des loges, et le pouvoir de protection de propres idéaux des profanes qui pourront attaquer ce fruit.
La coque de la grenade une fois ouverte, nous permet de voir une image plus concrète de la Maçonnerie. On retrouve à l’intérieur du fruit, des alvéoles asymétriques, qui quant à elles contiennent des grains, qui eux aussi renferment des graines. On peut déduire que les alvéoles représentent les obédiences, que dans celles-ci, il y a des loges, et les graines correspondent aux frères et sœurs d’une même loge. On voit dès lors apparaitre une certaine dualité, la croûte dure laisse place aux graines charnues et juteuses, la mythologie nous apporte le cycle de la vie et celui de la mort, et tout cela nous rapproche du symbole même de la dualité présent dans le temple : le pavé mosaïque. Le noir et le blanc s’opposant, comme le bien et le mal, comme de la lumière à l’ombre, et surtout, comme la bataille qui sommeille au fond de nous, entre le courage et la peur.
La grenade nous expose donc dans un premier temps à l’idée de la dualité mais en l’ouvrant, on atteint l’idée du pluralisme et de l’unité, représenté par les grains et les graines à l’intérieur. La multitude de grains nous représentent dans le fait que chacun d’entre nous est unique, avec son vécu, ses expériences et que s’il est une graine, ses caractéristiques profanes restent à l’extérieure de la coque de la grenade, car il est franc-maçon avant tout. Chacun murit à son rythme, selon ses capacités, les grains de grenades se développant à l’intérieur, sur eux-mêmes et lors du travail en loge, alors que les grains de blé cherchent la lumière extérieure pour se développer, ils mettent alors en application ce qui a été appris en loge pour le bien du monde profane. C’est en travaillant tous ensembles, les coudes serrés, que nous faisons murirent nous-mêmes notre grenade. L’union de plusieurs pluralités contiennent à leurs tours d’autres pluralités et donnent une écorce dure, unique et commune à tout le monde, et la maturation du fruit et l’unité de l’action étouffent les manifestations égoïstes de chaque individu.
Et c’est ici, la fraternité et la solidarité universelle qui apparaissent avec une plus grande évidence. La loyauté entre maçons d’une même loge et loyauté entre les loges de la même obédience restent le pilier central de l’unité maçonnique, il faut même ouvrir son esprit sur le fait de se lier entre des loges d’obédiences différentes, car c’est la fraternité et la solidarité qui pour cela, doivent abattre les différences qui malheureusement nous séparent. C’est ici la chaine d’union, forte et commune, qui intervient, car elle soude les frères et sœurs entre eux dans la même loge, mais ceux-ci sont aussi reliés aux autres frères et sœurs qui sont avec nous par la pensée et par le cœur.
La grenade en elle-même est l’iconographie maçonnique pure, elle nous rappelle le fait de se multiplier et de s’éparpiller, et pourtant rassembler ce qui est épart en une Maçonnerie universelle. De notre union, dépend la prospérité qu’il en résultera, celle que nous transmettrons dans le monde maçonnique comme le monde profane, de midi à minuit, de l’aube au crépuscule, et de la vie jusqu’à la mort.
Les grenades symbolisent les richesses cachées dans la terre divinisée qu’est le Temple, autrement dit, toutes les potentialités créatrices contenues dans la Tradition maçonnique. Mais, seule la tolérance peut développer toutes ces potentialités, et elle seule peut nous permettre de progresser spirituellement. Elle nous amène vers l’harmonie, et qui dit harmonie, dit un bel égrégore, qui est en tout point l’unité parfaite des maçons sur un plan magique.
Pour ma part, je ne pourrais pas vous dire que la grenade que j’ai vue était toujours belle, car mon adoption m’a montré la réalité bien trop tôt. Maçons rongés par le pouvoir, par l’argent, par intérêts, des maçons trahis, des maçons déçus, des maçons délaissés et autres… Je sais que ça n’y parait pas, mais je m’efforce de voir le bon côté de la grenade malgré des déceptions et des trahisons rudes, et pourtant ce vécu fais de moi une graine à part entière qu’on en veuille ou non, qu’on m’accepte ou pas. Mais pour ceux qui sont partis pour des centaines de raisons, qui me trouve pas à ma place, je voudrais leur dire que désormais je suis Franc-maçon, et j’ai bien l’intention de le rester, alors c’est avec tout ce que j’ai que contribuerai à faire évoluer la grenade maçonnique, notre grenade mes frères et sœurs.
Alors c’est mains dans la main qu’il faut que nous avancions, peu importe notre peau, notre âge, notre tablier, notre degré, et même notre obédience, car au fond, nos cœurs battent à l’unissons pour la Maçonnerie Universelle, et surtout pour l’Amour universelle. Chacun d’entre nous est unique et pourtant, nous ne formons qu’un.
Selon Shakespeare, Roméo s’est couvert du feuillage d’un grenadier pour déclarer son amour à Juliette. De la grenade peut naître unité, dualité, cohésion, fertilité, pluralité, tolérance et Amour avec un grand A. Et pour finir, un grand compositeur a écrit : « J’ai besoin de nos chemins qui se croisent, quand le temps nous rassemblent, ensemble, tout est plus joli, ensemble ».
J’ai dit V.*. M.*.
B.*. B.*. 04/2009